Carnets de terrain




En arrivant au cimetière, j’ai souvent l’impression que les lieux sont déserts. Il faut que le regard s’habitue aux silhouettes disséminées dans l’espace, entre les pierres tombales. De manière générale chacun·e fait sa petite cuisine, s'occupe de l'espace qui a été attribué à sa ou son défunt·e, avec concentration et attention. Une danse d'individus où les différentes solitudes se côtoient, se sentent mais sans forcément se regarder. Il y a des personnes pour lesquelles s’est devenu un rituel hebdomadaire, elles croisent parfois d’autres habitué·es et échangent sur leur quotidien, le temps, la vie. Il y a aussi des personnes qui rentrent, se dirigent d’un pas décidé vers une tombe, y restent quelques instants et repartent. Je me sens parfois un peu déplacée avec mon appareil photo à capturer des hérissons en résine, à apprécier l’ambiance des lieux, le calme, face à des personnes qui viennent se recueillir, parfois avec une souffrance visible sur leur corps. Et en même temps j’ai envie d’échanger avec elles, de les connaître, de parler de la perte, de la mort, de ces chagrins parfois si solitaires et profonds. Alors, j'imagine des stratégies pour en approcher certaines et parler de leurs rituels, de leur histoire.

Je tente un bonjour discret, un sourire, et si la personne répond franchement, je pose une question logistique, pratique ou je partage un commentaire sur le temps, les fleurs ou les arrosoirs. De temps en temps, les personnes me posent également une question et je me dis que si je venais tous les jours, je finirais par faire partie de cette communauté, j'aurais également mes habitudes. Il faudrait organiser des apéritifs pour les proches des mort·es enterré·es, particulièrement dans les moments difficiles symboliquement, un vin chaud à Noël, à Nouvel an.