Musique classique - Cimetière du
Petit-Saconnex 21.04
Aujourd’hui, lendemain de Pâques. J’arrive un peu tard, vers 18h15. Le cimetière ferme à 19h.
Je cherche une figurine de superman que j’ai mal photographiée la dernière fois.
À 18h59, je m’approche du portail. Il se referme tout seul. Dans l’enceinte, il ne reste plus qu’un homme assis. Je vois le bouton pour sortir, mais je me demande s’il y a une heure limite et surtout je cherche un moyen timide de faire contact avec ce monsieur. Avoir une question très concrète facilitera le premier échange et me permettra de voir s’il est ouvert à discuter un peu.
Il est debout devant une sépulture. Sur une chaise, il a installé une vieille stéréo à CD. On entend de la musique classique. Il me dira plus tard qu’il la fait écouter à sa femme qui aimait beaucoup la musique classique.
Je lui demande si je peux encore rester ou s’il y a une heure limite. Il me parle du bouton et qu’il n’y a pas de limite pour appuyer dessus. Il commence : « avant de partir je viendrai peut-être vous montrer… » puis il se tait. Je comprends que peut-être il me dira quand il part.
Je reprends ma marche, tout en le guettant toujours un peu. Nous sommes liés par cette phrase pas finie. Après une trentaine de minutes, je le vois se lever. Je remonte vers lui, à sa rencontre.
Il me demande si je fais une recherche. Oui, sur la mort, le deuil. Je ne sais pas très bien comment en parler, je ne me sens pas très claire. J’ajoute que j’ai perdu un ami il y a quelques mois. Peut-être pour me sentir légitime.
Il me raconte qu’il a perdu sa femme il y a 6 mois. Je sens tout son être affecté.
Aujourd’hui, lendemain de Pâques. J’arrive un peu tard, vers 18h15. Le cimetière ferme à 19h.
Je cherche une figurine de superman que j’ai mal photographiée la dernière fois.
À 18h59, je m’approche du portail. Il se referme tout seul. Dans l’enceinte, il ne reste plus qu’un homme assis. Je vois le bouton pour sortir, mais je me demande s’il y a une heure limite et surtout je cherche un moyen timide de faire contact avec ce monsieur. Avoir une question très concrète facilitera le premier échange et me permettra de voir s’il est ouvert à discuter un peu.
Il est debout devant une sépulture. Sur une chaise, il a installé une vieille stéréo à CD. On entend de la musique classique. Il me dira plus tard qu’il la fait écouter à sa femme qui aimait beaucoup la musique classique.
Je lui demande si je peux encore rester ou s’il y a une heure limite. Il me parle du bouton et qu’il n’y a pas de limite pour appuyer dessus. Il commence : « avant de partir je viendrai peut-être vous montrer… » puis il se tait. Je comprends que peut-être il me dira quand il part.
Je reprends ma marche, tout en le guettant toujours un peu. Nous sommes liés par cette phrase pas finie. Après une trentaine de minutes, je le vois se lever. Je remonte vers lui, à sa rencontre.
Il me demande si je fais une recherche. Oui, sur la mort, le deuil. Je ne sais pas très bien comment en parler, je ne me sens pas très claire. J’ajoute que j’ai perdu un ami il y a quelques mois. Peut-être pour me sentir légitime.
Il me raconte qu’il a perdu sa femme il y a 6 mois. Je sens tout son être affecté.
Il a un accent. Il vient de Campanile, près de Salerne. Sa femme était espagnole. Ils se sont installés en Suisse il y a très longtemps.Il a un fils, 32 ans, en doctorat de biochimie. Une fille, 36 ans, en relations internationales, qui s’occupe des réfugiés à Neuchâtel. Il n’a pas encore de petits-enfants.
Il me dit qu’il croyait qu’elle partirait après lui, parce qu’elle était plus jeune. Qu’il ne pensait pas qu’elle mourrait. Il a été auprès d’elle jusqu’à la dernière minute et jusqu’a la fin, il n’y croyait pas.
Ses yeux se remplissent de larmes.
Je lui dis que perdre quelqu’un qu’on aime, c’est aussi perdre son élan de vie.
Il met un moment à comprendre que je parle d’ami-es, pas d’un mari.
Il dit que le plus difficile, c’est de trouver un sens. Et que les femmes savent mieux rester seules.
Elles s’occupent. Elles tiennent la maison.
Il me raconte qu’en Italie, dans sa région, il y avait une tradition d’épouser des femmes 7 ans plus jeunes, afin de s’assurer de ne pas leur survivre.
Nous quittons le cimetière, il doit être 19h30 ou 19h45.
Nous continuons à parler dehors.
Je me dis que rentrer seul le soir doit être difficile.
Alors je reste, je parle avec lui.
Nous parlons d’architecture. Il est architecte aujourd’hui retraité. Un jour, il a suivi un workshop sur la mort, le sujet l’intéresse.
Nous parlons de mort écologique.
Il raconte qu’au Brésil les morts sont empilés et pas enterrés.
Il dit : être enterré dans la terre, ce n’est pas écologique.
On parle des pratiques funéraires, de Genève.
Il me montre le panneau qui désigne la présence d’un espace musulman du cimetière.
« C’est comme ça depuis 1980. Il y a une mosquée pas loin ».
Il propose : « Je peux vous montrer la mosquée. »
Alors nous marchons jusqu’à la mosquée.
Je sens qu’il n’a pas envie que le moment s’arrête. Il veut que l’on entre dans la mosquée. Mais il n’y a que des hommes, là pour la prière. Je suis gênée. J’ai mal à la tête. Il est 21h.
Je prends congé, tout en le regardant partir.
J’aurais voulu le photographier.
Il fait à peu près ma taille. Il marche les mains dans les poches avec un béret.
Quand je rentre à Utopiana, je raconte à une artiste présente à la résidence.
Elle me dit : « Oh, j’aimerais tellement que quelqu’un m’aime assez pour venir me faire écouter de la musique quand je serai morte. »
Je n’y avais pas pensé.
