Cimetière de châtelaine 14.04 - Jardiner son chagrin

J’étais occupée à trouver le bon angle pour photographier une tombe ornée de manière très frugale. Un rectangle de moquette en fausse herbe, comme il y a parfois sur le sol des balcons, une boîte de Nesquik en plastique jaune poussin avec à l’intérieure des tulipes fanées et une croix dont la blancheur et le détail détonnaient avec le reste de la mise en scène.

Un couple de personnes retraitées, la femme tenant deux pots de fleurs blanches et l’homme la suivant se sont dirigés vers une pierre tombale en passant devant moi. Avec mon appareil photo, face aux personnes qui viennent rencontrer la douleur de la perte, je me sens bête.

L’homme est parti chercher un arrosoir pendant que la femme a commencé à s’affairer sur la tombe. L’homme est d’abord resté debout, puis il s’est agenouillé auprès de la femme pour tenter de l’aider, mais elle ne s’est pas vraiment laisser faire. Alors, après quelques minutes, l’homme s’est relevé et a attendu patiemment à côté, la regardant les mains dans le dos. Puis, lorsqu’elle a terminé et s’est relevée, c’est lui qui s’est baissé pour allumer une bougie.

Avec un pot et quelques déchets végétaux dans les bras, ils se sont relevés et sont partis. Ils n’ont pas pris un temps pour se recueillir devant la tombe, leur manière de se recueillir a semblé être la manière de prendre soin de l’espace. Il s'agissait de leur fils, décédé quelques mois auparavant à 42 ans.