Cimetière d’Aïre

Mon premier cimetière. Pas de toute ma vie, du début de mes recherches sur le terrain. J'y ai rencontré mes premières figurines.  J'y ai aussi observé quelques premiers rituels humains discrets du quotidien.

Une femme et un homme sont restés assis sur l’embrasure du coffre ouvert de leur voiture au milieu de l’allée centrale du cimetière durant plusieurs heures. I·Ells semblaient en attente. Plutôt âgé·es, il et elle ont discuté longtemps, ayant donné rendez-vous à une tierce personne qui se faisait attendre. J’ai l’impression qu’un·e de leur proche était ensevelie dans le cimetière, mais je suis arrivée trop tard pour voir si cet échange a commencé par la visite d'une tombe. Lorsque la troisième personne est arrivée, il y a eu une distribution d'objets sortis du coffre, quelques discussions philosophiques sur la mort, et soudain i·elles se sont mises en mouvement parce que “j’ai fait la réservation à 12h30, on va être en retard".

Au même moment, un garçon qui devait avoir 10 ou 11 ans a traversé le cimetière seul et s’est dirigé vers une tombe. Il s’est d’abord arrêté devant, les mains croisées, comme en signe de recueillement, puis a touché la pierre tombale, une jolie pierre brute, en posant la main dessus quelques instants. Puis il est reparti. Curieuse, je suis allée voir la tombe après son départ. Il était écrit “Amore pepe”, le nom d’un homme et la date 1929-2019. J'ai été émue d'imaginer que depuis plus de 4 ans, ce garçon venait voir son grand-père, seul.